La taxe foncière représente un poste de dépense significatif pour les propriétaires immobiliers. En 2023, la taxe foncière a augmenté en moyenne de 3,4% dans les 200 plus grandes villes de France (Source : Association des Maires de France) , impactant considérablement le budget des propriétaires. De nombreux bailleurs s’interrogent légitimement sur la possibilité de répercuter, d’une manière ou d’une autre, cette charge sur leurs locataires. La question est donc simple : est-il possible, légalement, de faire payer la contribution foncière à son locataire ?
Cet article a pour objectif d’éclaircir les zones d’ombre et de fournir une information claire et précise sur les règles applicables concernant la taxe foncière locataire . Nous aborderons les interdictions formelles édictées par la loi ALUR, les exceptions notables pour les baux commerciaux et professionnels, les méthodes indirectes, mais légales, pour tenir compte de l’impôt foncier dans la gestion locative, et enfin, des conseils pratiques pour une communication transparente afin d’éviter tout litige.
Interdictions absolues et cadre légal définis par la loi ALUR
En matière de location d’habitation, la loi est formelle : la contribution foncière ne peut absolument pas être refacturée directement au locataire. Ce principe, solidement ancré dans la législation française depuis l’adoption de la loi du 6 juillet 1989, a été renforcé par la loi ALUR (Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) dans le but de protéger les locataires contre les abus potentiels. Il est crucial pour les propriétaires de comprendre et de respecter cette interdiction, sous peine de sanctions. Comprendre les tenants et aboutissants de cette loi vous permettra d’agir en toute légalité.
Principe fondamental : contribution foncière à la charge du propriétaire en location d’habitation
L’article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, modifiée par la loi ALUR, stipule clairement que les charges récupérables auprès du locataire sont limitativement énumérées par décret. La taxe foncière n’en fait pas partie. Cette disposition est d’ordre public, ce qui signifie qu’elle est non négociable et que toute clause contraire insérée dans un bail d’habitation est réputée nulle et non avenue. (Consulter la loi du 6 juillet 1989 sur Légifrance)
En location d’habitation, la taxe foncière est donc une charge qui incombe exclusivement au propriétaire. Elle est considérée comme une contribution financière à l’entretien et au développement des services publics locaux, dont le propriétaire bénéficie directement ou indirectement. Tenter de la refacturer au locataire, de quelque manière que ce soit, est une violation de la loi.
La loi ALUR : un renforcement de la protection du locataire
La loi ALUR, promulguée en 2014, a eu pour objectif principal de lutter contre les pratiques abusives dans le secteur locatif et de faciliter l’accès au logement pour tous. Elle a notamment renforcé les droits des locataires et encadré plus strictement les obligations des propriétaires. En confirmant l’interdiction de refacturer la taxe foncière, la loi ALUR a contribué à une plus grande transparence et à une meilleure équité dans les relations locatives.
La loi ALUR a contribué à clarifier et à uniformiser les règles applicables aux baux d’habitation, évitant ainsi les interprétations divergentes et les tentatives de contournement de la loi. Elle a également mis en place des mécanismes de contrôle et de sanction plus efficaces pour dissuader les propriétaires de se livrer à des pratiques illégales. Elle a permis une meilleure information des locataires sur leurs droits et obligations, contribuant ainsi à une relation locative plus équilibrée.
Exemples concrets de pratiques illégales et conséquences
Il est important de connaître les pratiques à éviter pour ne pas se retrouver en infraction avec la loi. Voici quelques exemples de clauses ou de comportements qui sont considérés comme illégaux et qui peuvent entraîner des sanctions pour le propriétaire :
- Insertion d’une clause dans le bail mentionnant explicitement le remboursement de la taxe foncière par le locataire.
- Augmentation du loyer d’un montant équivalent à la contribution foncière sans justification objective et légale (par exemple, des travaux d’amélioration).
- Imposition d’une « charge » spécifique ou d’une contribution additionnelle au loyer qui correspond, en réalité, à la contribution foncière.
Les conséquences pour le propriétaire qui ne respecte pas ces règles peuvent être lourdes. Outre la nullité de la clause illégale, le locataire est en droit de demander le remboursement des sommes indûment perçues, avec des intérêts au taux légal. De plus, le propriétaire peut être condamné à verser des dommages et intérêts au locataire pour préjudice moral ou financier. Les sanctions peuvent également inclure des amendes administratives dont le montant peut varier selon la gravité de l’infraction et les circonstances. Dans certains cas, des sanctions pénales peuvent être prononcées.
Il est à noter que le locataire dispose d’un délai de prescription de cinq ans pour agir en justice et réclamer le remboursement des sommes indûment versées. Il est donc essentiel pour le propriétaire de se conformer scrupuleusement à la loi et de se faire conseiller par un professionnel du droit immobilier en cas de doute. Une bonne assurance juridique peut vous prémunir de ces désagréments.
Exceptions et situations particulières : baux commerciaux et professionnels
Si la règle est stricte en matière de location d’habitation, des exceptions existent pour les baux commerciaux et professionnels. Dans ces cas, la loi accorde une plus grande liberté contractuelle aux parties, permettant, sous certaines conditions, de mettre la contribution foncière à la charge du locataire. Il est cependant indispensable de respecter un cadre légal précis pour éviter tout litige ultérieur.
Baux commerciaux : un cadre légal spécifique
Le Code de Commerce encadre les baux commerciaux et prévoit des dispositions spécifiques concernant la répartition des charges entre le bailleur et le preneur. L’article L. 145-40-2 du Code de Commerce précise les charges, impôts, taxes et redevances qui peuvent être imputés au locataire. Il est important de consulter cet article de loi pour comprendre les règles qui s’appliquent. (Consulter l’article L. 145-40-2 du Code de Commerce sur Légifrance)
Contrairement aux baux d’habitation, la taxe foncière peut être mise à la charge du locataire dans un bail commercial, mais à condition qu’une clause claire et précise le stipule expressément dans le contrat de bail. Cette clause doit mentionner de manière non équivoque que le locataire devra s’acquitter de la contribution foncière, en totalité ou en partie. Il est crucial de noter que certains impôts et taxes ne peuvent jamais être refacturés au locataire, comme l’impôt sur le revenu du propriétaire ou la contribution économique territoriale (CET) lorsqu’elle est calculée en fonction du chiffre d’affaires. En moyenne, 60% des baux commerciaux en France incluent une clause transférant la charge de la taxe foncière au locataire (Source : Etude FNAIM, 2022) . Cette pratique est plus fréquente dans les grandes villes où la pression foncière est plus forte. Un tableau ci-dessous illustre une répartition des charges courantes dans un bail commercial typique :
| Type de Charge | Répartition (Exemple) | Commentaires |
|---|---|---|
| Loyer | Fixé contractuellement | Révisable selon l’indice de référence |
| Taxe Foncière | 100% à la charge du locataire | Doit être stipulé clairement dans le bail |
| Charges de copropriété | Répartition selon tantièmes | Variable selon les services et l’entretien |
| Impôt sur le revenu du propriétaire | Incomptable | Non récupérable sur le locataire |
Baux professionnels : une plus grande liberté contractuelle
Les baux professionnels, bien que similaires aux baux commerciaux, offrent une plus grande souplesse en matière d’ administration des biens . La liberté contractuelle est plus importante, ce qui signifie que les parties peuvent librement négocier les termes du bail, y compris la question de la taxe foncière. Cependant, cette liberté n’est pas sans limites et doit être exercée dans le respect du Code Civil et des principes généraux du droit.
Il est généralement possible de refacturer la contribution foncière au locataire dans un bail professionnel, mais là encore, la clause doit être explicite, claire et non équivoque. Elle doit indiquer précisément que le locataire prend en charge l’impôt foncier, en totalité ou en partie, et préciser les modalités de paiement. Une clause ambiguë ou imprécise risque d’être invalidée par le juge en cas de litige.
Bien que la loi soit moins stricte que pour les baux d’habitation, il est conseillé de faire preuve de transparence et de justifier la refacturation de la taxe foncière par des arguments objectifs, tels que la situation géographique du bien, sa qualité ou les services proposés. Cela permet de renforcer la légitimité de la clause et de limiter les risques de contestation. Un loyer attractif peut également jouer en votre faveur.
Voici un tableau comparatif simple pour vous aider à distinguer les différences importantes :
| Type de bail | Refacturation Taxe Foncière | Référence juridique |
|---|---|---|
| Bail d’habitation | Interdite | Loi du 6 juillet 1989 (ALUR) |
| Bail commercial | Autorisée (avec clause claire) | Code de Commerce (art. L. 145-40-2) |
| Bail professionnel | Autorisée (avec clause explicite) | Code Civil (liberté contractuelle) |
Location saisonnière et meublée de courte durée
Dans le cadre de la location saisonnière ou meublée de courte durée (quelques jours ou semaines), la taxe foncière est généralement intégrée dans le prix global de la location. Il n’est pas possible de refacturer directement la taxe foncière au locataire, car le prix de la location est censé couvrir l’ensemble des charges et des coûts liés à la mise à disposition du logement.
Cas des locaux mixtes (habitation et commercial)
Lorsque le local est à usage mixte (habitation et commercial), la contribution foncière doit être répartie en fonction de la surface occupée par chaque activité. La partie correspondant à la surface commerciale peut, sous certaines conditions, être imputée au locataire commercial, conformément aux règles applicables aux baux commerciaux.
Méthodes indirectes et astuces légales pour les baux d’habitation
Bien qu’il soit interdit de refacturer directement la taxe foncière au locataire dans un bail d’habitation, il existe des méthodes indirectes, mais légales, pour en tenir compte dans la gestion locative . Ces méthodes nécessitent une approche prudente et transparente afin de respecter la loi et d’éviter tout litige.
Intégration de l’impôt foncier dans le loyer initial
La méthode la plus courante consiste à intégrer une partie de l’impôt foncier dans le loyer initial. Lors de la fixation du loyer, le propriétaire peut tenir compte de l’ensemble de ses charges, y compris la taxe foncière, pour déterminer un loyer qui lui permette de couvrir ses coûts et de dégager une marge bénéficiaire. Il est cependant crucial de ne pas lier explicitement l’augmentation du loyer à la taxe foncière, mais de la justifier par d’autres facteurs objectifs, tels que l’évolution du marché locatif, la qualité du logement, son emplacement ou les services proposés.
- L’emplacement du logement est un critère de justification légitime.
- La qualité du logement peut également servir de justification.
- Les services et équipements proposés permettent de justifier un loyer plus élevé.
Il est également important de se renseigner sur les loyers pratiqués dans le secteur pour des biens similaires afin de fixer un loyer cohérent et compétitif. Une étude de marché peut être réalisée afin d’évaluer le prix du marché. En Ile-de-France, les loyers sont en moyenne 20% plus élevés qu’en province (Source : Observatoire des loyers Clameur, 2023) . Pensez à comparer votre bien avec des biens similaires.
Réévaluation du loyer lors du renouvellement du bail
Lors du renouvellement du bail, le propriétaire a la possibilité de réévaluer le loyer, dans le respect des règles d’encadrement des loyers et de l’Indice de Référence des Loyers (IRL). L’IRL est publié chaque trimestre par l’INSEE et sert de base pour la révision des loyers. Il est important de consulter l’IRL en vigueur au moment du renouvellement du bail pour calculer l’augmentation maximale autorisée. (Consulter l’IRL sur le site de l’INSEE)
Même si l’augmentation est permise, il est important de faire preuve de transparence et d’informer le locataire des raisons de cette augmentation. Une communication claire et ouverte permet d’éviter les malentendus et de préserver une relation de confiance. Pensez à informer votre locataire en amont pour qu’il puisse anticiper cette hausse.
Travaux d’amélioration énergétique et impact sur la contribution foncière
La réalisation de travaux d’amélioration énergétique peut avoir un impact positif sur la contribution foncière, car certaines collectivités locales proposent des exonérations de taxe foncière pour les logements ayant fait l’objet de travaux de rénovation énergétique. Ces exonérations peuvent durer de 3 à 5 ans et représentent une économie substantielle pour le propriétaire. De plus, ces travaux peuvent améliorer le confort du logement et réduire les charges du locataire (factures de chauffage, d’électricité), ce qui peut justifier une augmentation du loyer. En moyenne, un logement rénové énergétiquement permet de réduire les factures de 30% (Source : ADEME, 2023) .
- Amélioration du confort thermique et acoustique.
- Réduction des factures d’énergie pour le locataire.
- Valorisation du patrimoine immobilier pour le propriétaire.
Avant de réaliser des travaux, il est conseillé de se renseigner auprès de sa collectivité locale pour connaître les conditions d’exonération de taxe foncière, les aides financières disponibles (MaPrimeRénov’, Eco-prêt à taux zéro, etc.) et les professionnels certifiés RGE (Reconnu Garant de l’Environnement).
Négociation du loyer avec le locataire
Dans le respect de la loi, le propriétaire peut négocier le loyer avec le locataire en mettant en avant les avantages du logement (emplacement, qualité, prestations, etc.). Une communication ouverte et honnête permet de trouver un accord satisfaisant pour les deux parties.
Le prix moyen d’une location à Paris est de 28€/m2, alors que dans des villes comme Marseille ou Lyon, il oscille entre 15 et 18€/m2. L’écart de prix se justifie entre autres par l’attractivité de la ville et les services proposés. Les villes où les loyers sont les plus élevés se situent en Ile-de-France : Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis. Il est important de noter qu’en 2023, 42% des locataires consacrent plus de 30% de leur revenu au logement (Source : INSEE, 2023) , ce qui souligne l’importance de trouver un équilibre entre le loyer et le budget du locataire.
Communication et prévention des litiges : clés d’une relation locative sereine
Une communication transparente et une administration locative rigoureuse sont essentielles pour prévenir les litiges et instaurer une relation de confiance entre le propriétaire et le locataire. Un contrat de bail clair et conforme à la loi, une communication proactive et la recherche de solutions amiables en cas de désaccord sont autant d’éléments qui contribuent à une gestion locative sereine.
Importance de la transparence dans le contrat de bail
Le contrat de bail est le document de référence qui encadre les droits et les obligations de chaque partie. Il est donc essentiel qu’il soit clair, précis et conforme à la législation en vigueur. Une clause ambiguë ou imprécise peut être source de litiges. Les clauses doivent être facilement compréhensibles et rédigées dans un langage clair et accessible.
Communication proactive avec le locataire
Encourager le propriétaire à informer le locataire de l’évolution de la contribution foncière, même si elle n’est pas refacturée, permet de créer une relation de confiance et de transparence. Organiser des rencontres régulières pour discuter de l’ administration des biens et répondre aux questions du locataire est également une bonne pratique.
- Informer le locataire de l’évolution de la contribution foncière (sans la lui faire payer directement).
- Organiser des rencontres régulières pour discuter de la gestion immobilière .
- Répondre rapidement et efficacement aux questions et aux demandes du locataire.
Conseils pour résoudre les litiges à l’amiable
Privilégier la négociation et la médiation en cas de litige permet souvent de trouver une solution satisfaisante pour les deux parties, sans avoir à recourir à une procédure judiciaire coûteuse et chronophage. Se renseigner sur les recours possibles en cas de litige persistant (conciliation, procédure judiciaire) est également important. Le recours à un conciliateur de justice est une solution simple et gratuite pour tenter de trouver un accord.
- Privilégier la négociation et la médiation.
- Se renseigner sur les recours possibles.
- Faire appel à un conciliateur de justice.
Rôle des agences immobilières et des professionnels du droit
Faire appel à une agence immobilière ou à un professionnel du droit (avocat spécialisé en droit immobilier, notaire) pour la rédaction du bail et l’ administration locative peut être un investissement judicieux. Ces professionnels sont en mesure de conseiller le propriétaire et de s’assurer de la conformité de ses pratiques avec la loi. Leur expertise permet d’éviter les erreurs et de prévenir les litiges. Le coût d’une consultation juridique est souvent inférieur au coût d’un litige.
Gérer la taxe foncière en location : transparence et légalité sont les maîtres mots
Il est crucial de retenir que, en location d’habitation, la refacturation taxe foncière location directe au locataire est formellement interdite. Cependant, des exceptions existent pour les baux commerciaux et professionnels, sous réserve du respect de conditions strictes. Dans tous les cas, la transparence et la communication avec le locataire sont essentielles pour prévenir les litiges et instaurer une relation de confiance.
La législation en matière de location immobilière est en constante évolution, il est donc impératif pour les propriétaires de se tenir informés des dernières modifications et de se faire accompagner par des professionnels compétents pour éviter les erreurs et les mauvaises surprises. Une gestion immobilière rigoureuse et transparente est la clé d’une relation locative sereine et durable. Une veille juridique régulière est indispensable.

